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Rester debout
18 janvier 2012

Deuxième semaine, premier jour.

A travers le ciel gris uniforme et haut, un rayon de soleil, comme un doigt tendu, s'est posé ce matin sur le bateau.

Nous venons, mes frères et sœurs et moi, de porter vers sa dernière demeure celle qui est encore aujourd'hui pour moi un mystère, notre mère.
Le ciel est triste et bas, et nous n'avons pas envie les uns et les autres de briser cet instant. De repartir chacun de notre côté vers nos vies respectives. Nous avons envie de retenir encore un peu le passé, notre enfance, ces joies partagées, nos fous-rires, nos jeux, notre maison commune, notre famille.
A cette époque de l'année pourtant, il a été bien difficile de trouver à loger tout le monde.
Huit enfants !
Six garçons et deux filles, une performance et un vrai casse-tête pour tous se caser.
Mais, finalement, petit à petit, chacun a trouvé, repoussant au lendemain, le moment de se séparer.
Oui, tous sauf moi...
Il reste pourtant une chambre.
Je l'entends presque.
"C'est ridicule !"
Elle ralerait sans doute de nous voir hésiter.

J'ouvre la porte.
Son odeur est encore là, un peu.
Ses vêtements posés sur sa chaise à côté du lit.
Ses derniers vêtements.
Que je vais ranger dans son armoire.
Un chemisier rose et beige.
Une jupe marron.
Et un gilet bleu azur en laine sérrée.
Que je pose à l'envers sur le lit.

Je replie un bras.
Puis l'autre.
Je referme le bas sur le haut.

Et quand je retourne ce gilet bleu azur et que je le regarde là, sur le lit, l'étiquette me saute à la mémoire comme une évidence, une étiquette qui porte une marque comme un signe :
"VU DU CIEL"

Chaque coup de rame aujourd'hui, chaque trou dans l'eau, chaque remous m'éloigne et me rapproche un peu plus de mes souvenirs. Je n'ai pas autre chose à faire dans ces longues journées à ramer.
Penser, me souvenir et oublier peut-être.
Combien de fantômes, combien d'anges-gardiens, combien de rayons de soleil posés sur l'océan, combien de signes faudra-t-il pour trouver la paix ?
Je sais pourquoi je dois traverser.
Je dois les retrouver, leur raconter qui je suis.
Pardonner ce qui doit être pardonné et offrir autre chose que cette incroyable nostalgie pour ne plus être seul, pour les avoir avec moi, pour toujours.

Ce soir, je pose dans mon livre de bord, une partie de mes secrets les plus chers et les plus durs.
Enfin... 

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